Forest simulacrum, 2023

Un groupe d’enfants court à travers un paysage balayé de cendres.

Comme un vol de pigeon qui s’écarte et se regroupe en jouant avec le vent.

Je suis l’une d’entre eux.

Dedans et dessus en même temps.

«  c’est quoi ça? ».

On s’arrête. Figés par les mots qui ont traversé le silence.

« Quoi ?» en cœur.

Ils se retournent en direction du doigt pointé : Pas trop loin, vers l’Est, une masse étrange se dresse. Une succession de tubes blancs, suspendus au-dessus du sol, ondulent doucement les uns à côté des autres.

En un vol coordonné le groupe réoriente sa course vers leur nouveau but. 

Curieux mais intimidés, ils ralentissent au fur et à mesure qu’ils s’approchent. Finalement, ils s’approchent au pas.

« Est-ce que c’est ça une forêt? Dit l’une.

« Ouais, j’ai entendu les anciens raconter des trucs là-dessus, et…

« Mais non, absolument pas…. C’est pas une forêt; une forêt, c’est… c’est gigantesque…

« Heu, c’est assez gigantesque, ça » répond un autre en étirant son cou et en se dressant sur la pointe des pieds.

« Non, vous pouvez pas vous souvenir; une forêt, c’est… touffu, c’est dense, y a plein de feuilles…

« Des feuilles? » les autres, en cœur.

« Oui, quand on marche dedans, on voit plus le ciel, tellement c’est dense, c’est épais!

« Les enfants lèvent leurs regards vers le haut.

Des rayons du soleil voilé traversent les formes et viennent dessiner des faisceaux lumineux sur leurs visages.

« C’était vert, d’un beau vert foncé, je vous dis!

Je pense à la soupe vert-kaki qu’on m’obligeait à manger au Centre. Il y a longtemps. Peut-être pas si longtemps finalement?

« J’aime bien le blanc, moi » une petite voix derrière, aussitôt suivie d’un léger murmure d’approbation

Elle lève la main pour toucher puis la retire en sursautant sous la sensation visqueuse; un autre se met à souffler dessus en tournant autour; son mouvement s’accélère entrainant une cascade de rires contagieux ; les enfants se dispersent, alors, en faisant bouger les formes tubulaires; ils se font des grimaces à travers les formes transparentes.

Je m’allonge sur le sol

Les formes blanches s’agitent doucement au-dessus de moi; je regarde à travers les troncs creux (« non, non, ce n’est pas une forêt »), jusque vers le ciel. Je ferme les yeux; j’entends les rires des enfants qui s’éloignent et se rapprochent, comme des ondes.

Forest Simulacrum/Isabelle Anguita

L’installation Forest Simulacrum est composée 7 colonnes de tissus de plus de 7 pieds de haut, sur lesquelles ont été coulés des moulages d’écorce en silicone et en gélatine. Les variations de hauteur et de couleur (blanc et caramel) des moulages attirent le regard et invite à venir en observer de plus près les textures. Les « troncs » sont suspendus à quelques pouces du sol, ce qui leur permet de bouger et tourner sur eux-mêmes doucement, du fait des mouvements à proximité. Ils ont été disposés de façon qu’on puisse pénétrer l’espace entre chacun d’entre eux pour nous retrouver au cœur de l’installation. En se positionnant à l’intérieur on est saisi par le côté calmant, enveloppant, de l’expérience. La transparence du tissu utilisé propose aussi de multiples visons de l’œuvre et de l’espace autour en fonction de l’endroit où on se trouve dans la galerie. Le positionnement de l’œuvre dans la galerie, au bord d’une vitrine permet aussi de la voir se d’extérieur créant des jeux de lumière et de reflets avec la ville autour.